Médecine Nucléaire

Chapitre II: Gamma-caméra.

II.B Le collimateur.

La formation d'images sur base de photons se base toujours, d'une façon ou d'une autre, sur le principe de propagation rectiligne, soit que l'information recherchée provienne des points sources (image d'émission) soit qu'elle provienne de ce qui se passe sur la ligne qui relie le point source et le point image (image de transmission ou d'absorption). Pour ce qui est de la lumière, ce principe bénéficie de ces variantes très intéressantes que sont la réfraction et la réflexion, mises en œuvre dans tous les systèmes bien connus de lentilles et de miroirs. Au niveau des photons durs, rayons X et gammas, on ne dispose pas de ces outils simples et efficaces, de sorte qu'on doit ici se contenter de la propagation rectiligne pure et simple entre point source et point image. En radiologie la source est ponctuelle et on s'intéresse à ce qui se passe en termes d'absorption le long des différentes lignes d'émission. En médecine nucléaire, la zone émettrice est étendue et c'est précisément la distribution des points sources qu'on essaie de capturer. Comme chaque point source émet dans toutes les directions il s'agit alors de n'en sélectionner qu'une seule de façon à obtenir une correspondance "un à un" entre un point émetteur et un point image. Tel est le rôle du collimateur. Il peut agir soit en projection comme le font les collimateurs à canaux multiples, qui à tout point (x,y) de départ font correspondre un point (x,y) d'arrivée, l'image finale étant droite, soit en chambre noire comme le fait le collimateur pinhole, où les lignes droites de propagation ne peuvent passer que par un orifice d'entrée, ce qui donne des images inversées.

1)Collimateur à canaux parallèles.

Il s'agit d'une plaque en matériau lourd, parfois de tungstène mais le plus souvent de plomb, dont l'épaisseur L se situe typiquement entre 2 et 3cm. Elle est percée de nombreux trous parallèles, de forme ronde, carrée, ou souvent hexagonale dont l'ouverture d est de l'ordre de 2 ou 3mm. Les parois qui séparent ces trous sont appelées les septas. Leur épaisseur t, comme d'ailleurs d, est importante pour définir la résolution et l'efficacité du collimateur, paramètres définis ci-dessous, mais elle doit avant tout être suffisante pour empêcher la transmission des gammas d'un canal à l'autre.

 Collimateur à canaux parallèles

a.Epaisseur des septas

 

Si µ est le coefficient d'absorption des gammas dans les septas, l'épaisseur minimum requise pour arrêter les rayons transverses est donnée par la formule:

 MedNuc IIB 12

Ainsi dans le plomb, et avec des dimensions L et d typiques (L=2 à 3cm et d=2 à 3mm), il faut quelques dixièmes de millimètres pour une énergie "basse" de 150keV et… quelques millimètres (!) pour une énergie "moyenne" de 400keV.

[

Cette formule est proposée par Sorenson et Phelps dans "Physics in Nuclear Medicine" (Ed. W.Saunders). Sur base du schéma ci-dessous, où les proportions géométriques sont mieux respectées que dans le précédent, et où on a noté w le chemin le plus court suivi par un photon pour passer d'un canal à l'autre, on obtient la règle de proportion:

 

 MedNuc IIB 13

 Epaisseur des septa

Si on impose une pénétration inférieure à 5%, valeur en partie arbitraire mais assez conventionnelle, et même consensuelle, le facteur exponentiel d'absorption doit être tel que:

 

 MedNuc IIB 14

Etant donné que 0,05 vaut environ e-3 , il faut donc µw>3, ou w>3/µ, ce qui donne pour t la valeur limite ci-dessus.

]

b.Résolution

Une première façon de définir la résolution du collimateur est de la voir comme la taille de la région à imager, supposée à une distance b, qui peut être vue au travers d'un unique canal. Une règle de proportion simple, découlant de la géométrie des canaux, permet d'en obtenir une estimation.

 Résolution du collimateur (1)

Toutefois il y a lieu ici aussi de tenir compte d'un effet de pénétration qui est tel que les coins d'un septum sont toujours en partie transparents aux gammas.

 MedNuc IIB 4

On corrige la formule géométrique en considérant que la hauteur effective Le du collimateur a une valeur effective réduite par rapport à L, et ce d'autant plus que le coefficient d'absorption µ est faible.

 MedNuc IIB 15

En réalité, l'effet de transmission au travers des coins est un effet qui s'estompe progressivement avec l'angle d'incidence. C'est un peu arbitrairement, mais de façon assez réaliste qu'on limite la transmission à 15%, ce qui correspond au facteur de correction 2/µ. Il faut d'ailleurs remarquer que même dans la formule de pure géométrie la région captée par un canal connaît un effet de pénombre sur les bords, zone de pénombre qui se voit donc ainsi élargie dans une certaine mesure. Compte tenu de ces difficultés, il peut être utile d'adopter une variante dans la définition de la résolution, bien sûr assez équivalente, par ailleurs plus difficile à estimer mais plus rigoureuse sur le plan formel. Dans cette approche, Rc est défini comme la largeur à mi-hauteur (LMH, ou FWHM) de la distribution du rayonnement transmis par le collimateur au départ d'une source ponctuelle située à une distance b.

 Résolution du collimateur (2)

La formule ci-dessus correspond à l'angle limite du rayonnement passant le collimateur mais il est n'est pas évident d'associer cette direction à un point de la distribution. En pratique la FWHM est retrouvée par calcul au départ de la résolution globale de l'appareil et de la résolution intrinsèque du détecteur (voir ci-dessous).

c.Sensibilité

Supposons un flux de photons arrivant sur le collimateur dans la direction perpendiculaire à celui-ci. Ceux qui passent par un canal atteignent le cristal, alors que ceux qui heurtent un septum sont absorbés.

 Sensibilité du collimateur

La sensibilité Sc du collimateur est le rapport entre ceux qui passent et le nombre total de gammas incidents. Elle est égale au rapport entre la section d'un canal et la surface d'un élément complet de collimateur (canal+septa). La première varie en d² et la seconde en (d+t)², et donc

 MedNuc IIB 16

Où K est une constante proche de l'unité dont la valeur exacte dépend de la forme des deux sections (l'élément de réseau est presque toujours hexagonal, les canaux sont de section soit hexagonale soit circulaire).

d.Efficacité

En lieu et place de la sensibilité, certains auteurs préfèrent parler d'efficacité du collimateur. L'efficacité est la fraction des gammas émis par une source ponctuelle à une distance b qui passe au travers du collimateur. Les deux paramètres évaluent le même facteur de performance, mais le premier est sans doute plus simple en théorie, le second plus proche de la pratique.

Soit une source ponctuelle d'activité A connue. Les gammas qui passent au travers du collimateur sont limités à une région circulaire de rayon r, l'angle limite défini par r et b étant le même que l'angle défini par d et Le (voir §a et b).

 MedNuc IIB 17

Efficacité du collimateur 

[

Un raisonnement simple permet d'approcher la formule pour l'efficacité Gc. De tous les gammas émis par la source dans toutes les directions la fraction qui passe le collimateur est donnée par l'angle solide ω de la zone "passante" (de rayon r dans le schéma ci-dessus) multiplié par la probabilité pour ceux qui tombent dans cette zone de traverser sans être arrêtés par les septas, autrement dit la sélectivité Sc.

 

 MedNuc IIB 18

 

En prenant pour ω la formule simple (voir le sujet "radioprotection, §II.E.1, où on discute aussi les limites de cette formule approchée), on obtient:

 

 MedNuc IIB 19

 

 Paradoxalement, cette formule ne dépend pas de b parce que si on éloigne la source, le rayon r de la zone passante grandit en proportion. En fait on a toujours r/b=d/Le, qui est une constante.

Le côté simplificateur du raisonnement vient de ce que la formule pour la sélectivité suppose une incidence normale, ce qui n'est vrai qu'au centre du cercle passant de rayon r et l'est de moins en moins lorsqu'on se dirige vers la périphérie, périphérie où seuls quelques rayons sont capables de passer. D'après Sorenson et Phelps(cités plus haut), une formule plus correcte fait apparaître un facteur ¼ supplémentaire.

 

 MedNuc IIB 20

]

 

e.Conflit résolution-efficacité

L'épaisseur des septas est liée à l'énergie des gammas utilisés: quelques dixièmes de millimètres pour les basses énergies (150keV), quelques millimètres pour les énergies plus hautes (400keV). Ce paramètre étant fixé, il reste un compromis à trouver entre résolution et efficacité. Augmenter Ec suppose des canaux larges et courts, de façon à accepter un grand nombre de photons. Mais cela augmente aussi Rc et par conséquent détériore la résolution. On retrouve ici un conflit assez classique qui se retrouve sous une forme ou sous une autre dans toutes les techniques d'imagerie.

Les fabricants proposent toujours des jeux de collimateurs adaptés à différentes applications (par exemple "low energy, high resolution", ou "medium energy, high sensitivity"). Vu le poids de ces accessoires, ils fournissent aussi un système d'aide mécanique à l'échange des collimateurs sur les têtes de camera.

En pratique, les efficiences sont typiquement de l'ordre de quelques dix-millièmes, et les résolutions spatiales tournent autour de 4 ou 5mm.

2)Collimateurs convergent et divergent.

Un collimateur convergent a ses multiples canaux orientés vers un point situé devant lui. L'image d'un objet situé entre ce point focal et la camera est agrandie plus ou moins fortement selon la distance.

Un collimateur divergent a ses canaux orientés vers un point situé à l'arrière. L'image d'un objet est diminuée plus ou moins fortement selon la distance. Le cas échéant, ceci peut être mis à profit pour projeter l'image sur un type de détecteur de dimensions réduites, ou alors pour imager en une fois une zone plus large que le cristal.

Collimateurs convergent et divergent 

Dans les deux cas, les performances (résolution et efficacité) sont modifiées par le facteur d'agrandissement, ou de rétrécissement, mais dépendent aussi de la position de la source par rapport à l'axe principal du système.

Les collimateurs convergent et divergent ne sont pas d'un usage très répandu. Ils souffrent de ce que l'agrandissement, ou le rétrécissement varient avec la distance, de sorte que des organes qui dans le corps humain se situent à des profondeurs différentes sont projetés sur la même image avec des facteurs d'échelle différents.Le modèle qui rencontre le plus de succès est le collimateur en éventail, ou "fan-beam", solution hybride où les canaux sont parallèles dans la direction axiale, axe principal du patient, et convergents dans le plan transverse. Il est utilisé par exemple en imagerie du cerveau, ou comme accessoire PET scan où il permet, en focalisant sur une source linéaire vue en transmission, d'aider aux corrections en atténuation.

 

 

3)Collimateur pinhole.

En français on devrait parler de collimateur sténopéïque, dont l'étymologie évoque un rétrécissement de la vision, mais en pratique l'expression anglaise pinhole est assez répandue.

Le pinhole est bien adapté à l'imagerie d'organes dont les dimensions ne sont pas trop importantes, comme la thyroïde ou le cœur. Il est fait d'un cône de plomb muni au sommet d'un unique orifice. Le principe est celui de la chambre noire: Les seuls rayons issus de la source qui puissent atteindre le détecteur sont ceux qui relient chaque point source au trou sténopéïque, ce qui suffit à assurer une correspondance point à point entre l'objet et le cristal.

 Collimateur pinhole, ou sténopéïque

L'image finale est inversée. L'agrandissement dépend de la distance b de l'objet o au trou d'entrée, selon une règle de proportion très typique de l'optique géométrique:

 MedNuc IIB 21

…où h est la hauteur du cône. Donc si b est inférieur à h l'image est agrandie, et si b est supérieur à h l'image est réduite.

La résolution dépend strictement du diamètre d'ouverture d. Si on néglige les effets de pénétration sur les bords elle découle du théorème de Thalès qui donne, en se basant sur le schéma ci-dessous:

 MedNuc IIB 22

 MedNuc IIB 10

Toujours en négligeant la pénétration sur les bords de plomb, l'efficacité est simplement donnée par l'angle solide du trou d'entrée par rapport au point source, soit pour un point situé sur l'axe principal:

 MedNuc IIB 23

 

[

Si la source est décalée d'un angle θ par rapport à l'axe principal, la vraie distance par rapport à l'ouverture devient b/cosθ, et la forme circulaire du trou se transforme, sous l'effet de la perspective, en une ellipse dont l'un des axes garde la valeur d mais dont l'autre axe vaut dcosθ.

 

 Pinhole (2)

 

En rappelant que la surface d'une ellipse vaut π fois le produit des demi-axes, on obtient:

 

 MedNuc IIB 24

 ]