Radiologie conventionnelle

Chapitre I: Généralités sur   les rayons X

I.C. Spectre de rayons X émis par impact d'un faisceau d'électrons

               N.B.: en radiologie, la cible du faisceau d'électrons (anode du tube) est souvent faite de tungstène W ou de molybdène Mo (mammographie). Ces choix de matériau seront justifiés plus loin.

1) Spectre à l'émission.

 

Comme cela a été dit au §I.A,  des électrons accélérés sous une différence de potentiel V acquièrent tous en bout de course la même énergie cinétique Ee = eV (100.000 volts donnent 100.000 eV, etc…). Quand les électrons ainsi accélérés heurtent une cible ils génèrent des rayons X qui, quant à eux, sont loin d'avoir tous la même énergie: Ils présentent une distribution en énergie, ou "spectre", qu'il s'agit de bien comprendre si on veut maîtriser les paramètres de la radiologie.

 

Emission de rayons X par impact d'électrons.

 

Quand les électrons pénètrent dans la matière à haute vitesse, ils y rencontrent deux types d'objets: Les noyaux atomiques d'une part et les électrons d'autre part. Ces deux types d'interaction ont des effets différents et remarquables (voir aussi, à ce sujet, la partie "radioprotection").

a) Interactions avec les noyaux.

 

Un électron négatif qui passe à proximité d'un noyau positif, c'est un objet très léger qui passe près d'un objet très lourd tout en étant attiré par lui: Le noyau, plutôt lourd, ne bouge pas beaucoup alors que l'électron, très léger, voit sa trajectoire incurvée vers le noyau. En quelque sorte, il se voit freiné dans sa progression vers l'avant. Intervient alors un principe très général en électromagnétisme: Toute charge électrique qui subit une décélération dans une direction donnée émet un photon dit "de freinage". Ce "rayonnement de freinage" est aussi souvent appelé "Bremsstrahlung" ( …de l'allemand bremsen=freiner et strahlen=rayonner).

 

Rayonnement de freinage (Bremsstrahlung)

 

Ce principe trouve des applications dans bien des domaines différents: A basse énergie on citera l'émission d'ondes hertziennes par des antennes (électrons qui oscillent dans des tiges métalliques); à très haute énergie on trouve le rayonnement synchrotron (électrons qui tournent dans un anneau et rayonnent par la tangente) exploité par exemple dans la grande machine de l'ESRF construite à Grenoble à l'exact confluent de l'Isère et du Drac. Dans ces exemples toutefois les photons émis ont une fréquence et donc une énergie très précise, alors que dans le cas qui nous occupe, les interactions des électrons avec les noyaux s'apparentent à des chocs qui peuvent être plus ou moins violents selon la distance entre le noyau-cible et l'électron-projectile. Le spectre d'énergie qui en résulte est assez simple puisqu'il se ramène à une droite: La quantité d'énergie par tranche d'énergie est donnée par

 

RadConv IC 3bis

                       

… où K est une constante, Z le nombre atomique de la cible, Eé l'énergie des électrons et dN le nombre de photons dans la tranche d'énergie dE à l'énergie E. La figure ci-dessous montre ce que cela donne pour deux tensions d'accélération des électrons dans le tube (100kV et 60kV)

 

 

Spectre de rayonnement de freinage (Bremsstrahlung)

Dans la forme du spectre il faut voir la chose suivante: Il est très peu probable de trouver des photons qui ont une énergie proche de celle des électrons (freinage brutal de l'électron lors d'un choc de type "frontal" avec transfert de la quasi-totalité de l'énergie à un seul photon). Il est beaucoup plus probable de trouver des photons de basse énergie (légère déviation de l'électron par passage à grande distance du noyau).

L'énergie totale du faisceau est donnée par la surface du spectre. C'est donc la surface d'un triangle de base Eé et de hauteur KZEé, ce qui donne KZ Eé²/2. Comme Z est fixé une fois pour toute à la fabrication, on a avantage à le choisir le plus élevé possible. Ce choix étant fait, l'énergie dépend beaucoup plus encore de l'énergie des électrons, donc de la tension d'accélération qui est un paramètre accessible à l'opérateur.

b) Interactions avec les électrons atomiques.

Les électrons liés aux atomes sont des objets beaucoup plus légers et plus faciles à perturber. Quand un électron "projectile" interagit avec un électron de la cible celui-ci se voit aisément porté vers des états d'énergie haute (excitation atomique) ou même arraché à l'attraction atomique (ionisation). Il s'ensuit des réarrangements rapides dans les couches électroniques: Les places laissées vacantes sont réoccupées par des électrons venus des niveaux supérieurs, ou par ceux qui avaient été excités ou encore ionisés.

 

Rayonnement par émission atomique

 

Toutes les transitions sont possibles dans ces réarrangements, mais chacune d'elle s'accompagne de l'émission d'un photon dont l'énergie est égale à la différence d'énergie entre les deux niveaux concernés. Les photons de plus grande énergie sont ceux qui viennent des transitions vers le niveau le plus bas et le plus lié de l'atome, appelé niveau K. Parmi celles-ci, les plus probables et les plus abondantes proviennent du second niveau et forment dans le spectre d'énergie un pic appelé "raie Kα". Suit immédiatement la raie Kβ provenant du niveau suivant. Les raies suivantes existent mais avec des intensités rapidement décroissantes, de sorte qu'il est d'usage de ne représenter que les deux premières. Le groupe suivant est fait des transitions aboutissant au second niveau, le niveau L, mais les raies correspondantes (Lα, Lβ, etc…) jouent rarement un rôle en radiologie et nous les oublierons ici. Le spectre d'émission atomique à considérer se réduit donc au modèle simple de la figure ci-dessous.

 

Raies K d'émission atomique

 

 

c) Spectre à l'émission.

 

Le spectre complet d'émission de rayons X par des électrons heurtant la cible est la superposition du spectre Bremsstrahlung et des raies atomiques caractéristiques du matériau cible. Pour le tungstène, les raies Kα et Kβ ont des énergies de 59keV et 67keV, ce qui les situe exactement dans la région de fonctionnement d'un grand nombre d' applications de radiologie conventionnelle. Par ailleurs leur intensité est telle qu'elles apportent une contribution non négligeable au faisceau.

 

Spectre complet d'émission de rayons X (Bremsstrahlung + raies atomiques)

 

Pour le molybdène, les deux raies se situent à 17,5keV et 19,6keV, c'est à dire dans la faible gamme d'énergie dans laquelle doit fonctionner la mammographie (voir chapitre consacré à ce sujet). On a là la raison pour laquelle ce matériau est l'un des plus utilisés dans ce domaine particulier: En resserrant le fonctionnement du tube sur la tranche 15-20keV on obtient malgré tout une intensité d'émission appréciable grâce à la présence des pics caractéristiques. Le rhénium se rencontre également en mammographie pour les mêmes raisons.

 

2) Spectre filtré.

 

Le défaut du faisceau émis à l'anode et décrit ci-dessus est son abondante production de photons mous de basse énergie. En-dessous d'une certaine énergie, tous les photons sont absorbés par le corps de sorte qu'ils ne servent à rien dans la construction de l'image. Par contre et pour la même raison ils contribuent fortement à la dose de rayonnement absorbée par le patient. C'est la raison pour laquelle la fenêtre de sortie de la gaine du tube est faite d'une plaque de, par exemple, 3 ou 4mm d'aluminium. Cette plaque absorbe la composante basse énergie du faisceau sans trop affecter la composante haute énergie.

 

Spectre filtré

 

La partie Bremsstrahlung du spectre filtré présente un maximum qu'on situe parfois grosso-modo à 1/3 de l'énergie maximum. En réalité sa position dépend beaucoup de la tension tube et du type de filtre. L'essentiel est de garder à l'esprit que le faisceau est tout sauf mono-énergétique.

Selon les systèmes et les applications (mammographie, scanographie) le constructeur peut prévoir la présence d'un filtre supplémentaire escamotable permettant de durcir un peu plus le faisceau à sa sortie du tube si cela s'avérait utile.

 

3) Spectre en fonction de la longueur d'onde.

 

Il arrive que le spectre du faisceau soit représenté en fonction de la longueur d'onde plutôt que de l'énergie. Dans ce cas il présente non pas une limite supérieure mais une limite inférieure, à savoir la longueur d'onde λ0 correspondant à un photon d'énergie maximum E0. L'ordre des raies caractéristiques est inversé: Le pic Kβ de plus haute énergie correspond au λ le plus faible. Quand la tension tube augmente, λ0 glisse vers la gauche, et la surface du pic augmente selon une loi un peu plus difficile à décrire que dans le cas précédent. La figure ci-dessous ne représente que la composante Bremsstrahlung du spectre fonction de λ.

 

Spectre de Bremsstrahlung en fonction de la longueur d'onde, et évolution avec l'énergie des électrons.