Radioprotection

Chapitre I: Interactions   radiations-matière

I.C Neutrons.

1)Nature du neutron.

Par nature le photon est un objet électromagnétique qui de ce fait, et malgré son caractère neutre, interagit efficacement avec les composants atomiques et les charges libres. Le neutron n'a pas de charge lui non plus mais il est massif et composé, comme le proton, de trois quarks (il est fait de deux quarks down et d'un up alors que le proton est fait de deux up et un down; le up a une charge 2/3 et le down une charge -1/3). Il possède un moment dipolaire magnétique, mais le magnétisme nucléaire est faible et les dipôles n'agissent jamais à longue distance (voir IRM I.F). Le neutron est avant tout un baryon, donc un objet nucléaire très sensible à l'interaction forte, dont on sait que l'intensité est élevée mais la portée très courte, de l'ordre du fermi (voir Physique Nucléaire II.B).

Au total, quand un neutron pénètre la matière à haute vitesse, rien ne viendra a priori ralentir sa progression à moins qu'il ne vienne en contact mécanique avec un noyau qui se présente sur son chemin (parler de contact mécanique avec un électron a peu de sens et par ailleurs l'électron est insensible à la force nucléaire). Etant donné que les noyaux n'occupent qu'une infime partie du volume atomique (voir Physique Nucléaire II.A), la probabilité de choc est faible et on comprend ainsi que les neutrons sont capables de traverser de grandes épaisseurs de matière. Le problème de la radioprotection est que ces épaisseurs n'empêchent pas l'ionisation indirecte, générée par les interactions qui se produisent ici et là selon les modes décrits ci-dessous. La meilleure des défenses passe par l'usage de certains éléments et matériaux qui se révèlent plus efficaces que d'autres pour freiner et absorber les neutrons.

2)Neutrons rapides.

Quand un neutron rapide rencontre un noyau, le choc est le plus souvent de type élastique. Un choc élastique est un choc où l'énergie cinétique totale, celle du neutron augmentée de celle du noyau cible, est conservée. Si le noyau est lourd, il ne bouge pas beaucoup et le neutron voit simplement sa trajectoire modifiée sans y perdre trop de vitesse. En quelque sorte cela s'apparente au rebond d'une balle contre un mur. Par contre plus le noyau est léger et plus il peut y avoir transfert d'énergie du projectile vers la cible. Les transferts les plus élevés sont obtenus pour le noyau qui a la même masse que le neutron, à savoir le proton d'un atome hydrogène. En cas de collision frontale il peut même y avoir échange total d'énergie, le proton se voyant projeté dans le voisinage alors que le neutron se retrouve pratiquement au repos, selon un effet bien connu au billard.

Des noyaux légers ainsi projetés dans la matière ont des TLE élevés et sont donc très ionisants. Les tissus biologiques contiennent souvent beaucoup d'hydrogène, ne fut-ce que par leur composante en eau, et sont de ce fait particulièrement sensibles à cet effet.

Neutron dans la matière 

Il arrive que la collision soit inélastique, de type (n,n'γ). Dans ce cas une partie de l'énergie transférée sert à exciter le noyau, lequel redescend rapidement vers son état fondamental en émettant un rayon gamma. Le recul provoque moins d'ionisation mais le gamma émis peut s'en aller générer dans le voisinage une particule chargée ionisante comme un photo-électron ou un électron Compton.

3)Neutrons thermiques.

Lorsqu'à force de ralentir par chocs successifs le neutron atteint de faibles vitesses, il se trouve en équilibre thermique avec le milieu. Cela veut dire que certaines collisions lui enlèvent de l'énergie mais que d'autres lui en apportent en moyenne la même quantité. L'énergie moyenne est celle qu'auraient les molécules d'un gaz à la température du matériau concerné, à savoir Ec=3kT/2, où k est la constante de Boltzmann et T la température absolue. Un neutron dans cet état est dit neutron thermique. Il erre dans la matière jusqu'à ce qu'un noyau le capture, ce qui donne lieu à différents types de réactions nucléaires.

La capture radiative (n,γ) est une absorption du neutron par le noyau, ce qui la distingue de la collision inélastique évoquée ci-dessus. Le nouveau noyau est formé dans un état excité et redescend vers son état fondamental en émettant un gamma. Il peut être radioactif, le plus souvent émetteur bêta puisqu'il y a supplément neutronique.

Les réactions d'échange de type (n,p) ou (n,α) sont caractérisés par la formation, après absorption du neutron, d'un noyau intermédiaire très instable qui rapidement éjecte soit un proton soit un alpha, particules hautement ionisantes. Ici aussi le noyau final peut être radioactif.

A vrai dire ces réactions peuvent se faire à plus haute énergie, mais elles sont plus fréquentes en régime thermique, ne fut-ce que par le temps passé par le neutron dans cet état. En particulier la capture radiative se fait avec une probabilité qui varie en 1/E.

4)Fission.

Certains noyaux dits fissiles sont tels que, lorsqu'ils absorbent un neutron, ils se brisent en deux morceaux avec émission de plusieurs neutrons. C'est le cas de l'uranium-235 ou du plutonium-239. Cette propriété très importante est au cœur du monde très vaste des techniques nucléaires, où l'on parle de réactions en chaîne, de réacteurs ou de centrales. La médecine peut y trouver certains apports (des isotopes intéressants comme le technétium-99 peuvent être obtenus comme sous-produits de fissions) mais la radioprotection dans ce domaine est peu concernée par le phénomène.