Echographie |
Chapitre II: Les transducteurs. |
II.A. La piézoélectricité.
1)Effet piézoélectrique.
L'effet piézoélectrique se manifeste par l'apparition d'une différence de potentiel aux bords d'un matériau lorsqu'on lui impose une compression ou une extension mécanique… avec la caractéristique remarquable que la réciproque est vraie: Si on soumet ce même matériau à une différence de potentiel, il se comprime ou se dilate selon la polarité du champ. Si la différence de potentiel varie sinusoïdalement, les faces de l'objet se mettent à vibrer à la même fréquence et peuvent ainsi générer une onde mécanique qui se propagera dans le voisinage. Inversement, si on impose à l'objet une contrainte mécanique variable, comme une onde sonore, la différence de potentiel induite sera alternative[1].
Dans la version simple de la théorie, on associe à toute matière piézoélectrique un coefficient de couplage électromécanique kt, qui mesure le rendement de la transformation électricité-mécanique ou inversement (plus exactement on a kt² = énergie fournie/énergie reçue). Dans le cas particulier de l'échographie, l'impédance acoustique Z, définie au chap.I, joue aussi un rôle important: Elle ne doit pas être trop différente du Z des tissus biologiques afin d'assurer une bonne transmission vers ce milieu.
2)Matériaux piézoélectriques.
Il existe énormément de matériaux sujets au phénomène, de sorte que le mieux qu'on puisse faire est de les classer par familles, dont les suivantes qu'on rencontre en échographie:
- Les monocristaux, dont le plus connu est le quartz. Le quartz est un bon "résonateur" en ce sens qu'il est très sensible à une fréquence unique, dite de résonance, notion qui sera développée ci-dessous. Cela en fait un bon outil en horlogerie, mais cela ne convient pas à l'échographie, à l'exception de l'écho doppler en mode continu (voir plus loin). Le caractère résonant du quartz est lié à une valeur très faible du coefficient kt.
- Les ferroélectriques poly-cristallins, parmi lesquels les PZT (titano-zirconate de plomb) qui équipent à l'heure actuelle un très grand nombre de sondes échographiques. La ferroélectricité, découverte beaucoup plus récemment que le ferromagnétisme en possède toutes les caractéristiques… mutatis mutandis, à savoir qu'en remplaçant "dipôles magnétiques" par "dipôles électriques", on retrouve l'idée de petits domaines à l'intérieur desquels les dipôles se couplent et s'alignent parallèlement, la température de Curie, le cycle d'hystérésis, la polarisation rémanente… et autres notions liées à cela (le préfixe "ferro-" n'a d'ailleurs pas ici de justification… autre que l'analogie avec le ferromagnétisme!). Les ferroélectriques sont des céramiques formées de petits cristaux dotés chacun d'un moment dipolaire non nul parce que les dipôles existant naturellement au niveau atomique s'alignent parallèlement et se renforcent. A l'état naturel, les moments dipolaires des différents domaines se trouvent orientés aléatoirement dans toutes les directions (dessin de gauche ci-dessous), de sorte qu'au niveau macroscopique le moment global est nul. Mais les PZT peuvent se voir imposer artificiellement, par fabrication, un moment dipolaire électrique non nul: A haute température, au-delà de la température de Curie, on impose un champ électrique externe qui oriente vers lui tous les dipôles; on maintient le champ électrique pendant le refroidissement, processus pendant lequel les micro-domaines se forment tout en gardant des orientations proches de celle du champ imposé (dessin de droite ci-dessous). A température normale, la matière figée conserve ces orientations même lorsqu'on coupe le champ. Elle peut ensuite être découpée selon l'angle souhaité et usinée sous des formes très variées. Les céramiques ont un coefficient de couplage élevé, ce qui leur permet de fonctionner sur une gamme de fréquence (bande passante) appréciable.
- Certains polymères, de type PVDF, pour polyvinylidine difluoride (!). Lors de la synthèse, le matériau est étiré de façon à aligner les longues chaînes de polymères et soumis à un champ de polarisation comme dans le cas des céramiques. Il s'agit là d'un domaine en développement.
- Les composites, mélanges de céramique et de polymères qui semblent prometteurs en échographie (coefficient kt élevé).
3)Mécanisme.
Si un monocristal à liaisons ioniques ne présente pas de polarisation intrinsèque mais que la maille du réseau est telle que les ions positifs et/ou négatifs sont plus abondants d'un côté que de l'autre, alors une compression peut décaler les centres de gravité des charges positives et négatives comme le suggère le schéma ci-dessous (en haut à droite). Comme il s'agit d'un déplacement par rapport à la situation électriquement neutre, il apparaît des charges d'un même signe d'un côté et des charges opposées de l'autre côté, d'où une différence de potentiel globale.
Inversement, si on impose de l'extérieur un champ électrique, la dissymétrie dans les charges fait que les forces de contraction ou de dilatation l'emportent, selon la polarité imposée (Le quartz, cristal de silice SiO2, répond à ce cas de figure, en précisant que sa structure est relativement difficile à représenter. Dans une maille, chaque ion Si++ est lié à un tétraèdre de quatre ions O- qu'il partage avec les tétraèdres voisins).
Pour un cristal dont les mailles présentent une polarisation intrinsèque, le mécanisme est analogue. Une compression ou une dilatation mécanique modifie l'équilibre des charges, ce qui fait apparaître sur les faces concernées une différence de potentiel. Inversement, un champ électrique imposé de l'extérieur fait apparaître des couples de rotation qui s'exercent sur les dipôles et qui se traduisent par des contraintes de dilatation ou de contraction au niveau des mailles du réseau.
[1] La piézoélectricité a été découverte en 1880 par les frères Curie, qui l'ont expérimentée sur des cristaux de quartz. L'échographie est une des grandes techniques qui se sont développées sur cette base, mais on en connaît aussi certaines applications dans la vie de tous les jours. On peut citer la montre à quartz, où le cristal soumis à un champ électrique délivre une oscillation mécanique de très haute régularité, ce qui convient à l'horlogerie. Des éléments piézoélectriques peuvent aussi se retrouver dans les téléphones portables, à la fois comme microphone et comme haut-parleur.