Physique pour la médecine

...la théorie!

 

Tomodensitométrie  (scanner)

Chapitre II: Matériels et méthodes.

 

II.A. Le fan-beam.

 

 

1) Premier scanner

 

 

Selon le principe mathématique de reconstruction des images par rétroprojection, proposé par Radon dès 1917, il s'agit de projeter la coupe à imager sur une ligne dans une direction donnée, puis de reproduire l'opération sous un grand nombre de directions distribuées sur 360°, ou au moins sur 180°.Le premier scanner mis au point par Hounsfield au début des années 70 était conçu pour serrer ce principe au plus près: Une source X envoyait un fin pinceau de rayons vers un détecteur unique placé en vis-à-vis, le tout se déplaçant parallèlement à lui-même pour couvrir l'entièreté de la coupe et obtenir ainsi sa projection selon une première direction. Puis le système pivotait d'un petit angle et entamait un nouveau balayage par déplacements parallèles, et ainsi de suite jusqu'à atteindre le demi-tour en rotation. La première machine opérationnelle capturait 160 lignes parallèles sur une translation globale de 24cm et pivotait de 1° par étape pour couvrir au total 180°, ce qui donnait 160x180=28800 mesures, le tout en 5min pour les dernières versions les plus rapides.

 

Premier scanner 

 

 

Outre le respect dû à son importance historique, il faut laisser à ce prototype un avantage qui ne s'est plus retrouvé par la suite: L'absence totale de bruit par diffusion puisque tout rayon X dévié de sa trajectoire n'avait aucune chance d'être détecté. Il faut souligner par ailleurs que quelles que soient les améliorations apportées par la suite, et elles furent bien sûr nombreuses et sophistiquées, l'ensemble des données se doit d'être ramené à un canevas analogue à celui-ci, prêt pour l'ultime étape de rétroprojection. Cela se fait par calcul, par interpolations entre les données acquises.

Ce premier scanner ne convenait en pratique qu'aux seules explorations de la tête, vu le faible champ de vue mais aussi en raison de la lenteur du processus: Appliqué au corps, on n'aurait pu éviter des artefacts dus aux mouvements respiratoires du patient. C'est pourquoi le premier challenge proposé aux fabricants dans les années 70 fut de réduire le temps d'acquisition à la durée d'une apnée, soit une quinzaine de seconde (De nos jours, bien entendu, on fait beaucoup mieux que cela.)

 

2) Le fan-beam monobarrette.

 

 

Dans une première version améliorée, le schéma ci-dessus était conservé mais le détecteur unique était remplacé par une barrette de 10 à 30 détecteurs, barrette qui était loin de couvrir le champ de vue mais qui permettait de capturer plusieurs couches en une fois, ce qui réduisait d'autant le temps de mesure ("partial fan-beam", ou détection en éventail partiel). On conservait donc le mouvement de translation qui apparaissait pourtant comme le facteur limitant en termes de rapidité. Le pas décisif de suppression de ce mouvement de translation fut franchit par le modèle suivant, en éventail complet (ou "fan beam"), dont la configuration se retrouve encore, tout bien considéré, à la base des systèmes actuels. La barrette de détection fut allongée en un arc de cercle comportant jusqu'à 800 détecteurs et couvrant la totalité du champ de vue. La mécanique était de beaucoup simplifiée puisque réduite à un mouvement de rotation.

 

 

fan-beam monobarrette 

 

Dans un premier temps la rotation fut réduite à un seul tour dans un sens suivi du retour dans l'autre sens, pour la bonne raison que l'alimentation en courant et l'extraction des données se faisait par câbles, lesquels ne pouvaient être tordus sur plusieurs tours. La solution à ce problème fut apportée fin des années 80 en utilisant des systèmes où l'énergie électrique est fournie par glissement de frotteurs sur des rails circulaires (slip-rings). La transmission des données se fait soit par un dispositif analogue en anneaux de glissement, soit par signaux optiques (De nos jours, wifi oblige, les micro-ondes sont une autre solution). Ce dispositif a ouvert la voie vers une rotation continue du scanner, avec des temps de rotation pour la première fois inférieurs la seconde. On atteint aujourd'hui (écrit en 2013) le quart de seconde. Le chemin vers les machines modernes, qui sera détaillé plus loin, passe d'une part par la multiplication des barrettes de détection dans la direction z et d'autre part par le mouvement en hélice autour du patient.

3) Rotation.

Le rotor d'un fan-beam comprend en tout cas le tube et l'ensemble des détecteurs mais il embarque également le générateur haute-tension du tube ainsi que l'électronique de digitalisation des signaux de sortie des détecteurs. La masse totale se mesure en centaines de kilos, dans une fourchette large de 400 à 1000kg selon le modèle.

Un temps de rotation de 0,5s correspond à une fréquence de 2 tours/s, soit encore une vitesse angulaire ω=2πf=12,6 radians/s. Un tube qui se trouve typiquement à une distance R=60cm du centre de rotation subit une accélération centripète ω²R=12,6²*0,6=95m/s², soit environ 10 fois l'accélération gravitationnelle g=9,81m/s². La force associée à une masse de 100kg est de l'ordre d'une tonne-force! Pour un temps de rotation d'un quart de seconde, comme on en trouve aujourd'hui sur certains modèles, tout cela doit être multiplié par quatre, puisque l'accélération centripète varie comme le carré de ω. Bref, quand on considère les années écoulées entre la rotation partielle en va-et-vient et la rotation continue, on peut supposer (!?) que le défi ne venait pas tant de la mise en œuvre d'un contact par glissement, bien connu par ailleurs et depuis longtemps (Qu'on songe aux pantographes des trains et tramways ou aux anciens modèles de moteurs électriques alimentés par des balais au charbon)… que des contraintes et de la stabilité requises par un mouvement mécanique poussé à ce point. On en trouve sur youtube des vues impressionnantes (voir par exemple ceci)