Radiologie conventionnelle |
Chapitre VI: Radiographie numérisée. |
VI.C.Les écrans plats matriciels.
1) Principe de base.
Les écrans plats matriciels ouvrent à l’imagerie médicale la porte du tout-numérique, étant entendu que l’étape première, là où les rayons X interagissent, ne peut être autre qu’analogique.
Les écrans classiques, qu’ils soient de type argentique ou photostimulables, présentent au rayonnement une surface uniforme où l’information se grave continûment dans les deux dimensions, quitte à la grillager en pixels quand il s’agit de la stocker en mémoire. Dans les écrans plats numériques, la surface est dès la fabrication conçue en matrice d’éléments actifs qui représentent chacun un pixel. De façon très générale, chacun de ces éléments est un petit condensateur qui se charge progressivement au fur et à mesure que des rayons X y sont absorbés. La charge finale est donc une mesure de l’exposition reçue localement : peu de rayons X, charge finale faible ; beaucoup de rayons X, charge finale élevée.
La lecture se fait par adressage des pixels, de la même manière qu’un ordinateur adresse sa propre matrice de mémoires : Une impulsion est envoyée sur un fil qui polarise une colonne entière de la matrice. Les contenus de tous les éléments de cette colonne se déversent sur les fils de récolte des données : Le numéro du fil de colonne polarisé et le numéro du fil de données correspondent à un jeu de valeurs x-y qui localise précisément l’information dans le plan de l’écran.
Le contenu d’un élément envoyé sur un fil de données n’est autre que la charge du condensateur associé, information par nature analogique. Ce signal est d’abord amplifié, puis numérisé dans un CAD (convertisseur analogue-digital) et enfin stocké en mémoire.
2)TFT (Thin Film Transistor).
Le transistor est l’élément de base de tout circuit électronique. Il comprend trois électrodes dont l’une, centrale, sert à contrôler le courant qui passe entre les deux autres. Pour visualiser la chose par analogie, on peut songer à un tuyau de plastique souple parcouru par de l'eau et où, par simple pression latérale, on peut moduler le flux qui le traverse. L’une des applications principales du transistor est l’amplification des signaux. Dans notre analogie, il s’agirait d’exercer une faible pression latérale pour faire varier un flux important, sachant que plus on appuie moins il y a de fluide qui passe et qu’ainsi le signal faible (la pression) se transforme en un signal élevé (le flux). L’autre grande application du transistor est beaucoup plus simple encore et est à vrai dire celle qui nous intéresse ici, à savoir la fonction d’interrupteur. On autorise le flux ou on le bloque, le courant passe ou ne passe pas.
Le transistor à effet de champ FET (field effect transistor) est un mode de fonctionnement où c’est le potentiel électrique appliqué à l’électrode centrale, et donc le champ électrique qu’il génère, qui sert à contrôler le flux. Dans le FET, cet élément central est appelé la grille, en référence à l’ancêtre du transistor, la triode, une lampe où l’élément central était effectivement une grille… mais ce qui permet surtout d’avoir la même initiale que l’anglais « gate » ! « Gate » est un mot très parlant puisqu’il évoque une porte qui, comme on le sait, doit être ouverte ou fermée. Les éléments d’entrée et de sortie du courant électrique sont ici appelés source et drain, en français comme en anglais. Au niveau des écrans plats comme dans beaucoup d’autres systèmes, les transistors sont bloquants quand ils sont au repos. Il faut polariser la grille pour que le courant passe. Ainsi les pixels pourront se charger progressivement sous l’exposition aux rayons X, et on pourra ensuite aller les lire en basculant les interrupteurs.
La technologie TFT (thin film transistor) consiste à fabriquer les transistors par dépôts successifs de très fines couches de silicium, les unes pauvres en électrons (type p) les autres riches en électrons (type n). De minces coulées d’aluminium parcourent la surface, en plongeant régulièrement dans le silicium où leurs extrémités servent de source, de drain ou de grille à un transistor, chacun d’eux se trouvant ainsi gravé en bordure d’un pixel.
Tous les écrans plats matriciels utilisent le TFT comme substrat et mode de lecture. Par contre, comme on le verra ci-dessous, on trouve de grandes variantes dans la conception des condensateurs-pixels.
L’adressage des TFT, la réception des données, l’amplification des signaux et leur stockage, tout cela demande des circuits électroniques qui se trouvent normalement disposés à la périphérie de l’écran et sont incorporés au boîtier. Cela fait de l’écran plat un système complet, très autonome et de manipulation aisée.
3)Types d’écrans plats.
On distingue les écrans à conversion indirecte et les écrans à conversion directe.
Dans les écrans à conversion indirecte, l’interaction des rayons X avec un scintillateur génère des photons de lumière dont l’énergie sera recueillie par des photodiodes pour être transformée en charges électriques. Ce sont ces photodiodes qui jouent le rôle de pixels et qui seront lues par le système TFT décrit ci-dessus.
Dans les écrans à conversion directe, les rayons X génèrent eux-mêmes les charges électriques dans une couche de sélénium couplée à un réseau de condensateurs. La charge accumulée sur ces condensateurs est lue par TFT.
a)Ecrans à conversion indirecte.
La première étape consiste donc à transformer les rayons X en photons lumineux au sein d’une couche de matière formant scintillateur.
Un premier type de scintillateur est fait de petits grains d’oxysulfide de gadolinium compactés en une fine feuille de 500 à 1000µm d’épaisseur, feuille qui à la fabrication se voit plaquée contre le film TFT. Cette solution est peu coûteuse mais la résolution n’est pas des meilleures car la lumière peut, en passant de grain en grain, se disperser assez largement avant d’atteindre les photodiodes. Une technique plus coûteuse mais de qualité consiste à faire croître à même le film TFT de petits cristaux d’iodure de césium CsI. Le contact avec les photodiodes est excellent et comme par ailleurs les cristaux ont la forme d’aiguilles, ils agissent comme de véritables petits guides de lumière qui évitent la dispersion, ce qui au total fournit une bonne résolution.
Dans les deux cas la lumière est recueillie et transformée en charges électriques par des photodiodes, chaque photodiode servant elle-même de condensateur lié à un pixel. Il reste donc à décrire le fonctionnement d’une photodiode.
Le principe de la diode formée d’une région riche en électrons (silicium dopé « n ») et une région pauvre en électrons (silicium dopé « p ») a été donné au §II.C.1. Dans le cas qui nous occupe, les régions n et p servent d’électrodes aux extrémités de la diode et sont séparées par une région de silicium neutre où vont agir les photons lumineux. Il faut se rappeler ici que le silicium est un « semi »-conducteur, ce qui veut dire qu’il est presque conducteur… mais pas tout à fait. La raison en est que, contrairement aux métaux où certains électrons ne servent pas à lier la structure atomique et sont donc libérés dans la matière (électrons libres) et disponibles pour participer à un courant électrique, la totalité des électrons restent ici liés aux atomes… mais faiblement. Une faible quantité d’énergie suffit à les libérer de leur état de liaison, ou état de valence, pour les porter vers des niveaux d’énergie supérieure, où ils sont libres de se mouvoir. Une photodiode est une diode telle que l’énergie des photons de lumière absorbés suffit à faire passer les électrons de la bande de valence à la bande de conduction. Ces électrons libres se dirigent alors vers la zone p qui les attire et où ils sont stockés. Les lacunes positives qu’ils laissent dans la matière se déplacent quant à elles vers la zone n pour y neutraliser des charges négatives en excès.
b)Ecrans à conversion directe.
Dans les écrans plats à conversion directe, l’interaction des rayons X avec le détecteur génère directement les charges électriques qui seront stockées avant lecture, sans passer par l’intermédiaire de photons de basse énergie. La couche active est faite d’un matériau photoconducteur, tel que ceux qui recouvrent les tambours des photocopieuses, le plus souvent du sélénium amorphe (amorphe veut dire que les atomes sont disposés de façon désordonnée, par opposition aux cristaux où la structure est très régulière). Ce matériau est soumis à une différence de potentiel de 2 ou 3kV qui forcera la migration des charges négatives et positives provenant de l’exposition au faisceau. L’une des électrodes est faite d’une fine couche métallique continue déposée sur le sélénium. L’autre électrode est dispersée en autant de petits éléments qu’il y a de pixels, associés aux condensateurs chargés d’accumuler localement l’information.
Un atout de ce dispositif se situe au niveau de la résolution : Les charges électriques apparaissent exactement dans la région d’interaction des rayons X, et comme par ailleurs lors de leur migration vers les électrodes elles obéissent très fidèlement à la direction que leur impose le champ électrique, la localisation de l’information est bien respectée. A cause des interactions avec les atomes elles subissent bien sur leur trajet quelques déviations, mais la dispersion reste faible comparée à celle des photons dans le mode indirect.
4)Facteurs de performance.
a)Sensibilité.